Au cœur du débat linguistique : Boubou Hama au Congrès des écrivains et artistes noirs

En septembre 1956, la Sorbonne accueillait le 1er Congrès des écrivains et artistes noirs, événement fondateur de la pensée culturelle et politique africaine. Aux côtés de figures majeures comme Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Alioune Diop, Cheikh Anta Diop ou encore Hampâté Bâ, un enseignant nigérien, Boubou Hama, y prit part.

Premier instituteur du Niger, il avait déjà publié plusieurs articles dans la revue Présence africaine, notamment sur l’importance de la langue songhai, ainsi qu’un premier ouvrage co-écrit avec Jean Boulnois, L’Empire de Gao paru à la maison d’édition Maisonneuve en 1954. Son engagement intellectuel s’articulait autour d’un axe central : la défense des langues africaines comme patrimoine vivant et vecteur d’identité culturelle.

Lors du Congrès, la question linguistique occupa une place de premier plan. Les débats se tinrent en français et en anglais, faute de langue africaine commune, mais les intervenants soulignèrent unanimement l’importance fondamentale des langues africaines pour la culture, l’identité et la libération politique. Senghor, Césaire, Hampâté Bâ ou encore Paul Hazoumé plaidèrent pour la reconnaissance de la littérature orale, longtemps marginalisée, comme véritable expression littéraire et philosophique.

Deux priorités furent définies : faire entendre les cultures africaines sur la scène internationale et offrir aux peuples africains un miroir de leurs propres aspirations. Les langues locales furent défendues pour leur richesse lexicale, leur musicalité et leur force performative.

Cependant, une tension persistait. La majorité des écrivains africains continuaient à écrire en langues européennes afin de toucher un public plus large, créant ainsi un décalage avec leurs communautés d’origine. Le débat porta aussi sur leur intégration dans l’enseignement : Cheikh Anta Diop et Senghor plaidèrent pour l’introduction des langues africaines à l’école, condition jugée essentielle à la construction d’une identité postcoloniale.

La participation de Boubou Hama à ce congrès illustre la place du Niger dans ces débats fondateurs et souligne le rôle central que joua la question linguistique dans les mouvements intellectuels et politiques qui accompagnèrent les luttes d’indépendance.